Go to account settings

Des bottes de cross jamais vendues…

Publié par Stéphan Legrand le jeudi 16 avril 2020 à 09:00

Portées par Ryan Dungey et James Stewart, les bottes Nike Air MX 6.0 de cross font désormais partie d’un passé oublié. On revient sur l’histoire étonnante d’un produit jamais mis en vente.

En 2009, la célèbre marque de chaussures Nike n’a aucun doute : l’Air MX 6.0 est tout simplement la meilleure paire de bottes de cross du marché. Tout commence lors d’une conversation dans un couloir entre Chip Jones, ingénieur et l’un des pontes du marketing chez Nike. “Et si l’on fabriquait une paire de bottes de cross ?” Passionné de moto depuis tout petit, Chip Jones saute sur l’occasion et demande l’avis de Ryan Dungey, pilote déjà sponsorisé par Nike via la branche 6.0 qui rassemble les sports extrêmes. Excité par l’aventure, le pilote officiel Suzuki donne immédiatement son accord. Le projet, approuvé par les hauts dirigeants de la marque dont Phil Knight le fondateur de Nike, est officiellement lancé. “Je suis allé voir Ryan à l’US Open de Las Vegas en octobre 2008, se souvient Chip. On a commencé à lui poser des questions très précises sur ce qu’il attendait d’une paire de bottes. Je voulais savoir en quoi pouvions-nous fabriquer quelque chose de différent.” Quelques semaines plus tard, Ryan se rend à Portland au siège social. Les ingénieurs l’attendent de pied ferme. Sur une grande table, tous les modèles de bottes ont été dépecés et découpés en petits morceaux. Tout est référencés, triés et étiquetés. Ryan est soumis à un questionnaire approfondi. Quelles sont ses priorités ? Qu’attend-il d’une paire de bottes ? Quelle protection ? Comment ? Une fois reparti, les ingénieux compilent toutes les infos avant de construire une botte de A à Z à partir des désirs du champion. Ryan voulait quelque chose de léger, confortable et qui apporte en même temps le maximum de protection. Tout était dit.

Prototype
Un mois plus tard, les premiers prototypes sur papier sont proposés à Ryan qui les valide. Nike décide alors de passer à la phase de fabrication. Si toutes les pièces sont dessinées et usinées chez Nike dans l’Oregon, la finition est confiée à TCX en Italie qui possède toute l’expérience nécessaire dans le domaine. Chip Jones essaie les premières paires pour éviter de proposer à Dungey un produit qui pourrait s’avérer dangereux. “Comme on avait recrée une botte de A à Z, on ne savait pas du tout à quoi s’attendre.” A Plusieurs reprises, Dungey roule sur le terrain privé de Nike. Il donne son avis, apporte des commentaires, demande à faire des changements, critique et fait avancer le projet. Le pilote Suzuki s’investit énormément. “Au bout d’un an et sept évolutions de prototype nous sommes arrivés à un bon compromis technologique. » A huit semaines du championnat de SX 2010, les designers apportent la touche finale à quelque chose qui ne ressemble à aucune autre paire de bottes. « On voulait que les bottes ressemblent à l’esprit Nike avec un design différent et juste la virgule sur le côté.

Si la botte Nike Air MX n’est plus un secret pour personne, elle reste cependant un mystère. Il est difficile de l’approcher sans être accompagné de Chip Jones. Il est possible de la toucher, de la soupeser et de la tourner dans tous les sens mais pas de mettre un pied dedans. “Nous avons encore des brevets en attente d’être enregistrés. Raison pour laquelle nous ne pouvons pas tout dévoiler.” A première vue, le sentiment de légèreté est réel et s’avère étonnant pour une botte sensée protéger des chocs les plus violents. Tout comme les équipes officielles qui utilisent des pièces en titane, en magnésium et en fibre de carbone pour réduire le poids des motos au maximum, les bottes Nike sont pensées sur le même principe. « Nos physiologistes ont remarqué que sortir la jambe dans un virage fait travailler énormément les muscles du haut des cuisses, explique Chip. Plus la botte est lourde, plus l’effort est important. Après avoir éliminé toutes les pièces plastiques inutiles, nous avons une botte de 25 à 28% plus légère que n’importe quelle autre. La semelle est dérivée d’une technologie que personne d’autre n’utilise et dont Nike est le seul propriétaire.” Grâce au programme informatique FEA (Finite Element Analysis) qui permet de simuler les mouvements de la botte, les ingénieurs ont même prévu toutes les chutes possibles sur ordinateur. Rien n’est laissé au hasard, tout est prévu mais seulement pour deux pilotes dans le monde : Ryan Dungey et James Stewart.

Innovation
Absent du projet à ses débuts, James Stewart a demandé à en faire partie de peur d’être désavantagé par un produit trop novateur qu’un adversaire pourrait avoir et pas lui. “James est donc arrivé un peu plus tard dans la conception mais son aide a été déterminante pour arriver au produit fini. » Pour finalement arriver à quoi ? La botte Nike Air Mx 6.0 n’a jamais été conçue pour être vendue dans les concessions. Dans beaucoup de sports Nike a pour habitude de proposer les meilleurs produits pour les meilleurs athlètes. La plupart du temps ils ne sont pas accessibles au public. La même règle est adoptée ici. Si cela avait été le cas, le prix de vente aurait été bien trop prohibitif : “C’est la paire de botte la plus chère du monde. Elle vaut le prix d’une BMW série 3 (soit 40 000 € environ). Faite à la main par une dizaine de personnes, chaque paire est unique. Toutes les pièces sont numérotées et comptabilisées.” Au final le projet est abandonné petit à petit au fil des années. Il reste encore quelques exemplaires au siège de Nike dans l’Oregon dans un coffre bien gardé. En attendant de ressortir l’idée un jour peut-être. Qui sait ?

Stéphan Legrand (photos : LeBig) 

21

 

Articles

Mode sombre